Analyse, critique et culture littéraire

Catégorie : Non Fiction

La Néoruralité, recours à la campagne de Gabrielle Saumon et Greta Tommasi

Éditions Presses Universitaires Blaise-Pascal


Mots-clés : migrations, aménités, mode de vie, environnement, attractivité, hétérogénéité, gentrification, conflictualité, domination sociale, fragmentation, vision de la ruralité.

Pour quel public ?

Toute personne qui souhaite apprendre l’essentiel sur les enjeux de la néoruralité, grâce à un contenu de qualité et des sources fiables ! En effet, les livres de la collection L’Opportune sont écrits par des chercheurs universitaires, et visent à vulgariser un sujet en 64 pages. Le vocabulaire utilisé est assez soutenu, mais toujours bien expliqué, et le format court assure une lecture rapide et dynamique. 

Qu’est-ce qu’on y trouve ?

L’ouvrage dresse un panorama des problématiques soulevées par la néoruralité en Europe et en Amérique du Nord, en prenant soin de rappeler le contexte de sa parution (post-covid). 

Mais qu’entend-on par néoruralité ? Depuis les années 60, et de façon accélérée ces dernières années, on constate une hausse de l’attractivité des campagnes. Les néoruraux sont les habitants fraîchement débarqués de la ville, qui créent de nouvelles manières d’habiter ces territoires. 

En effet, ces migrations se différencient des mouvements démographiques traditionnellement observés. Elles se basent non pas sur la recherche d’un emploi ou d’un gain économique, mais sur l’envie d’un environnement plus agréable, d’une proximité avec la nature, réelle ou fantasmée.

Toutefois, le livre souligne que le mouvement de retour à la campagne ne concerne pas uniquement cette catégorie de population plutôt privilégiée. Il concerne aussi des personnes invisibilisées, en difficulté économique et sociale, qui viennent y chercher une vie moins chère, voire un refuge dans certains cas. Les néoruraux ne constituent pas une catégorie homogène, n’en déplaise aux représentations parfois caricaturales qui peuvent circuler.

Les auteurs analysent également les conséquences du mode de vie importé par les nouveaux habitants, qui peut s’opposer à celui des locaux, et créer des inégalités. On assiste alors à une gentrification, la création d’un entre-soi, qui installent de nouveaux rapports de domination. De plus, une fragmentation s’instaure entre les campagnes attractives et valorisées, et celles qui restent dépeuplées.

Les développements sont découpés en trois parties : 

  • les espaces ruraux, de la déprise à l’attractivité ;
  • des campagnes aux multiples visages ;
  • l’environnement dans les néoruralités contemporaines.

Mon avis

L’objectif annoncé est atteint : vulgariser et synthétiser l’analyse pointue d’un sujet en quelques pages. Je trouve que le choix de confier la rédaction à des chercheurs universitaires est un vrai plus, car il permet de prendre connaissance de travaux qui resteraient peut-être hors d’accès du grand public. 

Le format court permet de ne pas s’ennuyer, même sur un sujet un peu aride, et les auteurs prennent soin de fournir des exemples concrets pour enrichir la lecture. Je ressors de cette lecture en ayant le sentiment que je vais retenir ce que j’ai appris, car je n’ai pas été noyée sous les informations.

D’un point de vue plus pratique, l’ouvrage est conçu pour être facilement transportable (il est plus petit qu’un livre de poche standard).

Je découvrirai avec plaisir d’autres titres de cette collection, qui s’attaque aussi bien à des sujets politiques que technologiques et culturels.

Le guide du gang des introverti(e)s de Liv Vesper

Editions Mango


Mots clés : préjugés, privilège extraverti, sur-adaptation, besoins énergétiques, spectre des personnalités, connaissance de soi, acceptation, épanouissement, représentations positives, monde intérieur, déculpabilisation.

Pour quel public ?

Si cela ne tenait qu’à moi, je le ferais lire par le plus grand nombre !

S’il s’adresse évidemment en priorité aux personnes introverties, il sera aussi très utile pour ceux qui ont des introverti(e)s dans leur entourage et ont envie de mieux les comprendre et de mieux interagir avec eux.

Du fait de son style très abordable, simple et clair, il peut clairement être mis entre toutes les mains, y compris les jeunes adolescents. Il remplit un vrai rôle de vulgarisation, mais je dirais qu’il va plus loin : comme le rappelle l’autrice, les études poussées sur l’introversion restent encore rares, et ce type d’ouvrage rassemblant un grand nombre d’informations sur le sujet est difficilement trouvable.

Il permet tout simplement d’avoir accès à des connaissances détaillées : l’ouvrage est très complet, il n’hésite pas à se plonger par exemple dans des notions plus scientifiques ou psychologiques. Donc, même si vous êtes adulte et déjà sensibilisé au sujet, il y a fort à parier que vous apprendrez des choses !

Certains chapitres sont peut-être concernent peut-être plus les adolescents, comme ceux sur la vie amoureuse et affective (et encore, ces petits rappels bienveillants sont bienvenus à tout âge…), tandis que d’autres ciblent des tranches de vie « adultes », comme ceux sur l’éducation des enfants ou le monde de l’entreprise.

Vous l’aurez compris, je pense vraiment que chacun peut y trouver son compte.

Qu’est-ce qu’on y trouve ?

Le livre développe deux axes principaux :

  • Comprendre ce qu’est l’introversion, en la différenciant d’autres notions et en écartant les préjugés ;
  • Apprendre à mieux s’accepter en tant qu’introverti(e), trouver sa place dans la société, sans chercher à se changer, et savoir prendre soin de soi.

Pour ce faire, il est divisé en cinq parties :

  • L’introversion, une particularité entachée par des stéréotypes ;
  • Le grand spectre de l’introversion et de l’extraversion ;
  • Comprendre son introversion, (re)devenir soi-même ;
  • Réapprendre à s’aimer, mieux vivre avec soi-même : une philosophie de vie ;
  • Être une personne introvertie et vivre avec les autres.

Je vous propose de nous attarder sur certains points que j’ai trouvés particulièrement intéressants.

Analyse et critique

Sur l’ensemble de l’ouvrage

Tout d’abord, mention spéciale pour l’objet livre ! Le travail éditorial est de qualité, avec une mise en page aérée très agréable, et les illustrations de Gaëtane Rosell accompagnent parfaitement le propos : elles sont douces, modernes et expressives.

On sent que le guide est le fruit de longues recherches, de réflexions et d’échanges. Il permet d’attirer notre attention sur une multitude de questions réunies au même endroit, et c’est vraiment enrichissant.

L’écriture est fluide, le ton amical, on ressent rapidement une connexion avec l’autrice. Des petites touches d’humour émaillent la lecture de sourires.

J’ai particulièrement aimé le fait que l’autrice aille toujours droit au but dans les informations fournies. Parmi les ouvrages dits de développement personnel, notamment lorsqu’ils sont écrits par des Américains, on trouve souvent de nombreuses pages de blablas intercalées entre chaque information concrète, de type storytelling et success stories. Pas de ça ici : tout le contenu apporte de la valeur.

À titre de comparaison, j’ai lu il y a quelques mois l’ouvrage La force des discrets de Susan Cain, d’ailleurs cité par l’autrice. Il a eu un effet très positif sur moi, car c’était la première fois que je comprenais certains mécanismes, bien expliqués par l’autrice, qui nous fournit des données précises. Mais l’expérience de lecture en elle-même m’avait un peu agacée, à cause de tous ces à-côtés, peut-être censés constituer du contenu inspirant, mais qui m’apparaissent souvent comme du remplissage.

Le message général porté par le livre est la bienveillance, la tolérance, le droit à la différence, les possibilités de s’épanouir, et on le referme avec un sentiment de douceur bien agréable.

En quelques mots, c’est un ouvrage ludique, positif et complet, qui permet de révéler des mécanismes incompris et encourage à connaître et aimer son introversion.

Sur la définition et la bonne compréhension de la notion d’introversion

Le guide débute par des définitions claires des notions d’introversions et d’extraversions, qui vont probablement surprendre certains, tant les préjugés sur ces notions sont ancrés et répandus. La différence entre les deux tient en réalité à la façon de se ressourcer de chacun, sa source d’énergie. Les introverti(e)s ont plutôt besoin de calme et de solitude, de se tourner vers leur intériorité, tandis que les extraverti(e)s se rechargent par les interactions avec les autres, en se tournant vers l’extérieur.

Le livre permet aussi d’aller au-delà d’une catégorisation stricte des individus : il est impossible de se contenter de ces deux cases hermétiques, nous sommes tous faits de nuances multiples. Il existe de nombreuses sortes d’introversions, avec des intensités variables, et chacun aura des caractéristiques propres.

On peut ainsi essayer de se placer sur un spectre qui va de l’introversion à l’extraversion, avec l’ambiversion en son milieu (les personnes qui peuvent se ressourcer aussi bien en se tournant vers le monde extérieur que vers l’intérieur). Entre les points extrêmes, toutes les nuances sont possibles.

La typologie des personnalités introverties rencontrées par l’autrice est très enrichissante, et permet de casser les préjugés, comme le fait qu’une personne introvertie ne pourrait pas être bavarde ou charismatique !

L’autrice n’écarte aucun sujet et explore même brièvement la question de l’origine de l’introversion, en abordant le débat autour de l’inné et de l’acquis, et fournit des explications sur le rôle joué par notre système nerveux. Ce sont des pistes de réflexion passionnantes !

Un des éléments clé est selon moi la notion d’idéal extraverti, très bien expliqué par l’autrice. Notre société occidentale, propulsée par la culture américaine, a érigé l’extraversion en standard de comportement, et donc en but obligatoire à atteindre pour tous. Cette situation crée un « privilège extraverti », puisque les personnes qui entrent naturellement dans ce moule n’ont aucune remise en cause à faire, aucun effort à fournir pour se conformer au standard.

Les introverti(e)s voient leur mode de fonctionnement remis en cause, et sont poussés à s’adapter sans cesse aux attentes de la société. Les extraverti(e)s bénéficient donc d’un avantage intrinsèque. Prendre conscience de contexte a été très libérateur pour moi : le fait d’avoir érigé l’extraversion en modèle de comportement est une construction arbitraire et contestable, et non une vérité absolue et universelle.

L’introversion n’est pas un défaut à corriger, c’est la société occidentale qui ne sait pas intégrer et valoriser les introverti(e)s.

Comme le suggère si justement l’autrice, les introverti(e)s et les extraverti(e)s devraient collaborer sur un pied d’égalité, sans hiérarchie entre les deux.

Sur les conseils pour mieux s’accepter et s’épanouir dans la société

Chaque introverti(e) pourra sans doute se reconnaître dans les multiples portraits, anecdotes, besoins et frustrations présentés. Et c’est déjà un but en soi ! Comme l’explique l’autrice, le simple fait d’avoir accès à des témoignages de personnes vivant la même chose est très réconfortant et aide sur le chemin de l’acceptation.

L’ouvrage nous emmène plus loin, en montrant que certains traits de caractère ou préférences pouvant être jugés comme des freins, des défauts, sont en fait des caractéristiques neutres, qui n’ont pas à être corrigées.

Par exemple, j’ai été sensible aux développements sur les small talks, ces petites conversations de politesse, superficielles, censées briser la glace et éviter les moments de « blanc » gênants. Ils constituent des passages obligés dans la vie professionnelle, qui mettent souvent les personnes introverties mal à l’aise : on est jugé si l’on ne se prête pas au jeu où si l’on n’est manifestement pas doué pour ce type d’échanges. L’autrice souligne de façon salutaire que si les autres ont besoin de se rassurer en évitant à tout prix le silence, en le comblant par des paroles creuses sans valeur de fond, il s’agit bien de leur besoin et tout le monde n’est pas obligé de s’y soumettre.

De la même façon, il peut parfois être blessant de constater que l’on ne parvient pas à établir de connexions avec certains, qui persistent à trouver bizarres les personnes mal à l’aise en groupe ou silencieuses. Mais la responsabilité n’incombe pas aux introverti(e)s, qui ne peuvent supporter seul(e)s le devoir de se sur-adapter aux exigences extraverties. Si certains sont incapables de regarder au-delà de la « normalité » définie subjectivement, c’est leur choix !

J’ai également beaucoup apprécié la partie sur l’intégration des introverti(e)s en entreprise. Je suis persuadée que toutes les structures gagneraient beaucoup à comprendre et valoriser les introverti(e)s, qui sont en mesure d’apporter des compétences et des qualités complémentaires à celles des extraverti(e)s. Par exemple, je suis toujours exaspérée de voir que l’on continue à exiger de tout le monde de maîtriser, et même d’apprécier, l’exercice de prendre la parole en public, alors que tous les postes ne nécessitent pas ce genre de savoir-faire spécifique. Et une entreprise composée uniquement de stars de la scène n’est certainement pas la mieux dotée en personnes talentueuses… Là encore, la diversité devrait être recherchée.