Analyse, critique et culture littéraire

Klara et le Soleil de Kazuo Ishiguro

Éditions Gallimard / Folio


Genre : anticipation

Thèmes abordés : définition de l’identité et de l’humanité de chacun, place de l’humain dans la société, définition et rôle du travail, amitiés adolescentes, construction de la personnalité, égalités des chances, réussite sociale, solitude, sociabilisation, foi.

Contexte  

On se situe dans un futur proche, où la technologie s’est développée, notamment dans le domaine de l’intelligence artificielle. Le mode de vie des gens et leurs rapports entre eux ont évolué, ils vivent plus isolés. Certains ont perdu leur emploi, remplacés par des IA. Les enfants ne vont plus à l’école, mais suivent des cours à distance. De plus, si leurs parents en ont les moyens, les enfants sont accompagnés au quotidien par des AA (Amis Artificiels), robots doués d’intelligence artificielle.

Le pitch  

Klara, une AA particulièrement curieuse et observatrice, nous raconte son existence depuis sa mise en vente dans une boutique spécialisée. Avide de découvrir l’extérieur et surtout de faire la connaissance de sa famille d’adoption, elle va rapidement être choisie par Josie, une enfant à la santé fragile, qui vit seule avec sa mère. Plongée dans un monde nouveau dont elle ne connaît pas les codes, Klara va devoir faire face à des obstacles pour protéger Josie, et s’adapter aux différentes facettes des relations humaines.

Mon avis  

Je suis globalement mitigée sur ce roman, qui m’a enthousiasmée sur certains points, mais m’a laissé un goût d’inachevé. J’ai l’impression d’avoir surfé sur une agréable et délicate vague, avec de trop rares incursions en profondeur, celles-ci constituant toutefois des prémisses à des réflexions passionnantes.

L’intrigue est classique et sans surprise : les révélations n’en sont pas vraiment, car elles sont clairement annoncées par des indices multiples et évidents. 

La particularité de l’ouvrage est de nous placer dans la tête d’une AA. Cela se reflète dans l’écriture, simple et neutre, et dans les observations cliniques de Klara sur le monde extérieur. Elle est constamment en train de relever des informations, afin de recueillir le plus de données possible pour améliorer ses connaissances. De ce fait, le roman contient des descriptions de scènes banales, de détails anecdotiques. Ces éléments, s’ils permettent en effet une parfaite immersion dans la façon de voir de Klara, restent par nature assez ennuyeux. Ajoutés au ton très neutre de l’écriture, ils amènent une certaine platitude à la lecture. De plus, ces petits riens prennent au final beaucoup de place dans le livre, au détriment peut-être de développements plus profonds.

Le thème principal, lié aux impacts des avancées de l’intelligence artificielle, n’est pas particulièrement original mais toujours intéressant : un être humain est-il vraiment irremplaçable ? Qu’est-ce qui fait d’une personne un être à part entière, qu’est-ce qui la définit ? L’auteur utilise l’intelligence artificielle pour pousser l’humanité dans ses retranchements, et remettre en cause son utilité, sa singularité. Le questionnement sur ce qui constitue l’être humain et sa valeur est déployé sur plusieurs plans : les relations familiales et amicales, le travail, la réussite sociale. Ce sont justement ces réflexions sur des thèmes connexes, brièvement exposées, que j’ai particulièrement appréciées.

De plus, le roman contient très peu d’éléments de contexte sur les évolutions qu’a connues la société, sur les technologies développées et les réactions de la population. On comprend bien que la description de ces phénomènes n’est pas le but de l’auteur, qui se concentre sur les personnages. Il n’en reste pas moins que le manque d’informations et d’explications peut être frustrant. 

Dans mon souvenir, Kazuo Ishiguro est coutumier des atmosphères brumeuses qui laissent les lecteurs dans l’incertitude, en tout cas c’est ce que j’avais ressenti dans les deux autres romans que j’ai lus (Auprès de moi toujours et Lumière pâle sur les collines). Mais ici, cela a moins bien fonctionné pour moi, car il n’y a pas de grand mystère qui plane, pas de grande révélation finale où tout s’imbrique. 

L’atmosphère du livre reste toutefois agréable et attirante : il y a une délicatesse, une gracieuse mélancolie qui transpire du récit et qui ne laisse pas indifférent. Les événements sont exposés avec pudeur et une certaine distance affectueuse, ce qui enveloppe le tout de douceur amère, et nous plonge dans un état d’esprit méditatif.

Points forts du roman  

N.B. : une fois n’est pas coutume, je ne vais pas développer ici les points forts et les points que j’ai moins aimés, mais me contenter de les lister, car les explications contiennent des spoilers. Si vous voulez en savoir plus, rendez-vous dans la dernière partie de l’article, l’analyse détaillée.

Une immersion dans la vision du monde de Klara  

Kazuo Ishiguro réussit parfaitement à nous placer dans la tête d’une intelligence artificielle qui découvre le monde : tout est très réaliste. Et malgré la froideur qui se dégage forcément du récit d’un robot, il parvient aussi à rendre le personnage attachant.

Des pistes de réflexions sur les relations humaines et la place de l’humain dans la société  

J’ai adoré les idées exposées par l’auteur, qu’elles soient liées aux conséquences sur la société du développement de l’intelligence artificielle (définition du travail, utilité de la vie sociale, impératif de réussite sociale vs. valeur intrinsèque de la vie), ou plus globalement au sujet des relations humaines dans ce qu’elles ont de plus beau (la puissance des amitiés adolescentes).

Visage de femme robot avec des lignes de code

Ce que j’ai moins aimé  

Des réflexions développées trop brièvement

Les thèmes sont développés en quelques paragraphes de dialogues tout au plus, par lesquels un ou deux personnages exposent des questionnements et/ou leur avis. C’est dommage, car les sujets et les partis-pris sont très intéressants !

L’arc narratif relatif au soleil  

J’ai bien conscience que c’est cette partie de l’intrigue qui a donné son titre au roman, mais je n’ai pas du tout accroché à la relation entre Klara et le soleil. J’ai trouvé ces scènes longues, répétitives et décousues.

Une intrigue secondaire superflue

On suit dans le détail une intrigue mêlant un ami de Josie et sa mère, mais celle-ci ne mène nulle part et je ne vois pas ce qu’elle apporte au récit.

Une absence d’explication parfois proche de la facilité scénaristique  

La résolution d’une intrigue en particulier, laissée dans un flou artistique, a été décevante pour moi car je l’ai trouvée trop facile. 

Analyse détaillée et explicationsavec spoilers 

Plusieurs scènes écrites avec brio  

J’ai notamment trouvé la scène d’ouverture particulièrement réussie : en quelques phrases, l’auteur encapsule la situation et pique la curiosité du lecteur.

« Quand Rosa et moi étions neuves, on nous avait placées au milieu de la boutique, à côté de la table des magazines, ce qui nous permettait de voir la moitié de la vitrine. Et donc d’observer la rue – les employés de bureau au pas pressé, les taxis, les coureurs, les touristes, l’Homme Mendiant et son chien, le bas du bâtiment du RPO. Lorsque nous fûmes bien installées, Gérante nous laissa nous avancer peu à peu, jusqu’à la vitrine, ce qui nous permit de découvrir la hauteur du bâtiment. » (page 13)

On est frappé par l’emploi du terme « neuves », par le fait que les AA sont traitées exactement comme des produits, ce sentiment étant renforcé par le parallèle avec les magazines posés sur la table. Le ton employé par Klara est léger, et on comprend qu’elle est satisfaite de sa situation et ne la remet pas du tout en cause.

Autre mention spéciale pour une scène qui se démarque dans le livre, située dans la quatrième partie. C’est une séquence virevoltante, qui donne le tournis, et retranscrit incroyablement bien l’agitation qui touche tous les personnages. Ils sont tous regroupés en ville, sur une place bondée devant un théâtre. Klara est désorientée, prise à partie de toutes parts. Elle saisit des bribes de conversations, de disputes, sans cesse interrompues par des passants, et le tumulte ajoute à sa confusion. Chaque personnage suit le fil de ses pensées et ses intérêts propres, donne son opinion, cherche à mettre son grain de sel, et Klara est engloutie par les événements, tout comme le lecteur. Ce passage est dense, en mouvement constant, et provoque une rupture nette avec le ton posé du récit.

Une absence d’explication frustrante… mais qui nous oblige à forger nos interprétations personnelles

De nombreux événements sont simplement décrits par l’auteur sans nous fournir de clés de décodage. Le lecteur (trop ?) cartésien est donc amené à réfléchir au sens à donner à ces éléments, et à élaborer ses propres théories. L’exercice apporte une certaine satisfaction, tout en nous laissant taraudés par l’éternelle question : mais qu’a vraiment voulu nous dire l’auteur ? Je vous propose d’analyser quelques-uns de ces petits mystères, et les interprétations (totalement subjectives) que j’en ai tirées.

Tout au long de l’histoire, Klara expérimente par moment une altération de sa vision, qui se compartimente alors en « boîtes ». Celles-ci influencent sa perception des choses en les dédoublant, les déformant, les étirant. Elle est parfois même sujette à ce qui semble être des hallucinations, pouvant par exemple conférer un aspect positif ou au contraire effrayant à l’environnement qui l’entoure. On se demande s’il s’agit d’un dysfonctionnement du système du robot, ou si Klara est capable de percevoir des choses invisibles pour les humains. 

« Elle but son café sans me quitter des yeux un seul instant, jusqu’au moment où son visage occupa six boîtes à lui tout seul, ses yeux plissés reparaissant dans trois d’entre elles, chaque fois sous un angle différent. » (page 147)

J’ai analysé cette vision compartimentée comme une faculté qui permet à Klara de voir les personnes ou les choses telles qu’elles sont vraiment. Par exemple, elle peut visualiser en même temps les différentes émotions et facettes d’un individu, y compris celles qu’il voudrait cacher. Au sein d’un groupe de personnes, elle voit regroupées dans une boîte celles qui ont une connexion, et isolées au sein d’une autre celles qui sont en réalité exclues. Dans un lieu, les boîtes peuvent permettre d’exprimer une ambiance, ou de mettre en évidence l’élément central.

« La mère se pencha au-dessus de la table pour me voir de plus près et son visage remplit huit boîtes, laissant seulement les boîtes périphériques pour la cascade, et j’eus l’impression un instant que son expression variait d’une boîte à l’autre. Dans l’une d’elles par exemple, ses yeux riaient cruellement, mais dans la suivante, ils étaient pleins de tristesse. » (page 150)

Je pense donc qu’il s’agit d’une faculté supérieure de Klara, une forme de vision révélatrice de l’intériorité des choses, lui permettant de percevoir avec plus de finesse, qu’il lui faudrait apprendre à maîtriser et à interpréter.

Kazuo Ishiguro ne nous fournit pas non plus d’explication sur la relation mystérieuse qui unit Klara et le soleil. Dès le début, elle le personnifie, surveille sans arrêt ses apparitions et les jeux d’ombre et de lumière (ce qui donne lieu à des descriptions récurrentes, moyennement passionnantes). Elle reste également persuadée, malgré les dénégations de la responsable de la boutique, qu’elle a besoin des « nutriments » apportés par l’astre pour recharger son énergie. On s’aperçoit que Klara voue un vrai culte au soleil, lui prêtant une volonté propre et des actes aux conséquences importantes.

« Le Soleil, remarquant qu’il y avait un grand nombre d’enfants au même endroit, déversait son nutriment par les larges baies du Plan Ouvert. » (page 105)

Elle n’hésite donc pas à lui adresser ses prières pour sauver Josie, dans le cadre d’un rituel étrange, qui apparaît totalement loufoque et sans fondement. Le lecteur ne peut que penser que Klara s’égare complètement, et qu’il est impossible que le soleil réponde de quelque manière que ce soit à ses demandes insistantes. Pourtant, la guérison miraculeuse de Josie se produit, apparemment sauvée par les rayons ultra puissants que le soleil a spécialement dirigé vers elle. C’est en tout cas ce dont Klara est convaincue, tout comme les personnes ayant assisté à la scène. 

Cette issue à la maladie de Josie a été décevante pour moi, et m’est apparue comme une facilité scénaristique. On se demande si le rétablissement de Josie à ce moment n’était qu’une coïncidence ou un authentique miracle provoqué par le soleil, mais aucune des possibilités n’est satisfaisante à mes yeux.

En y réfléchissant, j’y ai toutefois vu une certaine ironie qui m’a bien plu : dans ce monde technologique, il subsiste une part de magie mystérieuse. Mais celle-ci est inaccessible aux humains, obsédés par leur soif de connaissances scientifiques. C’est une intelligence artificielle, créature robotique sans âme, qui va réussir à invoquer cette magie grâce à sa foi sans faille, dont les humains sont totalement dépourvus. Et au final, c’est bien la foi qui permet la guérison, qui vient rétablir ce qui avait été détruit par la science, puisque Josie était malade à cause de son « édition génétique », opération censée faire d’elle une enfant « relevée », supérieure aux autres.

Je suis d’ailleurs également restée sur ma faim concernant ce concept d’enfants « relevés » : en quoi consiste cette manipulation génétique qui échoue parfois et peut causer le décès de certains patients ? Néanmoins, on peut y voir une réflexion intéressante concernant le choix cornélien auquel cette possibilité expose les parents : faut-il opérer les enfants pour leur offrir un avenir brillant, en sachant que l’opération est risquée, ou les laisser vivre une vie simple, dans laquelle ils ne bénéficieront pas des mêmes chances que les autres ? Ce dilemme nous questionne sur ce qui constitue la valeur intrinsèque de la vie, l’impératif de la réussite, et ce qu’il faut sacrifier pour l’atteindre.

Dessin d'un cerveau d'intelligence artificielle ou d'un robot avec une carte à puce

L’immersion dans la façon de voir de Klara

L’auteur utilise la technique du narrateur qui découvre le monde en même temps que le lecteur : on partage les découvertes de Klara, qui vient d’être mise en marche. Toutefois, le lecteur a une longueur d’avance sur elle, qui est un vrai nouveau-né, ignorant et naïf, et il comprend des nuances qu’elle n’est pas en mesure de percevoir. 

En effet, au-delà même de sa méconnaissance du monde et des humains, on se rend compte que Klara n’est pas programmée pour penser à elle, à la façon dont elle est traitée. Elle n’a aucun recul, aucune attente à ce niveau, et ne semble donc jamais éprouver de ressentiment. Elle donne tout ce qu’elle a pour remplir sa mission, à savoir protéger Josie, sans aucune arrière-pensée, aucun regard sur sa propre situation. Elle n’a pas conscience qu’elle pourrait être traitée différemment, et c’est justement son ignorance, son innocence qui nous fend le cœur et nous fait d’autant plus détester les humains qui l’entourent.

C’est à mes yeux ce qui rend la fin du livre aussi insupportable : Klara, abandonnée dans une décharge géante, n’a pas conscience du sacrifice immense qu’elle a consenti. Elle n’émet aucune plainte, et ne regrette pas d’avoir sauvé Josie alors que si elle n’avait rien fait, elle aurait pu prendre sa place. Personne ne lui manifeste une reconnaissance à la mesure de ce qu’elle a accompli, et personne ne s’émeut de son sort. Elle est tout simplement devenue inutile, car personne ne l’aime. Josie, qui lui doit la vie, la remercie d’avoir été « super ». Le robot fait preuve d’une humanité désintéressée dont bien peu d’humains seraient capables.

Seule, Klara poursuit sa réflexion sur ce qui fait de Josie une être unique, et dont elle est privée.

Des thèmes secondaires passionnants

Les thématiques secondaires brièvement explorées sont celles qui m’ont le plus intéressée : 

  • La réflexion sur la définition du travail dans notre société et sa place dans nos vies 

Le père de Josie était un brillant ingénieur, avec une carrière exemplaire, mais son métier est désormais exercé par l’intelligence artificielle. Avec d’autres personnes ayant le même parcours, ils ont accepté leur situation et ont créé une communauté autour d’une certaine philosophie de vie. Pour eux, il existe d’autres moyens que le travail rémunéré pour vivre une vie épanouissante et trouver sa place, et ils se trouvent plus heureux depuis qu’ils ont perdu leur emploi. Ils continuent à créer, à travailler, mais hors du schéma capitaliste habituel : leur travail n’est pas destiné à une entreprise ou des clients. 

La situation de cette communauté n’est toutefois pas idéale. Elle vit visiblement en marge de la société, rejetée par tous ceux qui persistent à vouloir travailler et à y voir leur vraie valeur, comme la mère de Josie. D’autres personnages émettent des critiques, et la communauté semble vivre repliée dans un entre-soi de personnes qui se ressemblent. Ils sont visiblement les seuls à redouter un soulèvement violent de la population, dépossédée de son activité, et à s’y préparer avec des armes si nécessaires. 

« Il est devenu évident pour nous tous qu’il existe de nombreuses manières différentes de mener une vie décente et bien remplie. » (page 321)

  • La force des amitiés / amours adolescentes qui peuvent perdurer même si on se quitte

Malgré leur volonté farouche de ne pas être séparés, Josie et Rick finissent par suivre des chemins différents et ne plus se fréquenter. Néanmoins, ils n’en gardent pas de rancœur, et leur attachement mutuel résiste à la séparation. Leur amour n’en est pas moins réel. 

  • L'adaptation des humains à leur entourage

Klara, avec son sens aigu de l’observation et sa volonté de connaître parfaitement Josie, note à quel point elle change de personnalité afin de s’adapter aux personnes qui l’entourent. Un individu n’a pas un seul mode de fonctionnement, il est constitué de multiples facettes qu’il peut déployer tour à tour. On ne peut donc jamais connaître complètement quelqu’un, car qui sait quelle partie de lui il choisit de ne montrer qu’à un autre ? L’être humain est mouvant, façonné en permanence par son environnement, et il est difficile de déterminer ce qui constitue sa réalité profonde, si toutefois on peut considérer qu’il existe un noyau unique et véritable.

  • L'utilité de la vie sociale

Les familles vivant isolées, et les enfants suivant des cours à distance, les parents aisés organisent des rencontres de sociabilisation regroupant des enfants « relevés ». Cela vise à leur apprendre à réagir face aux autres, à découvrir la vie en groupe, afin de préparer leur entrée à l’université. Cela semble logiquement constituer un élément essentiel de leur apprentissage, nécessaire pour toute vie en société, l’être humain restant un animal social.

Toutefois, la vie collective telle qu’elle nous est présentée donne plutôt envie de devenir ermite. En effet, lors de l’une de ces réunions organisée par la mère de Josie, on assiste à un enchaînement de paroles superficielles, mensongères ou maladroites, d’attitudes blessantes, de méfiance, de rejet. Tous les protagonistes, enfants comme adultes, semblent devenir plus détestables en présence de leurs congénères.

Cette forme de socialisation, tournée vers les apparences et la démonstration de pouvoir, n’a donc malheureusement pas disparu dans cette société du futur, et on se demande ce qui est advenu de la vie sociale positive, celle qui est un facteur d’épanouissement et de réconfort.

« (…) N’importe qui peut avoir un ou deux amis individuels. Mais ta mère, elle n’a pas de vie sociale. Ma propre mère n’a pas beaucoup d’amis non plus. Mais elle a une vie sociale.

– Une vie sociale ? Ça paraît bien désuet. Ça veut dire quoi ?

– Ça veut dire que tu rentres dans un magasin ou que tu montes dans un taxi et que les gens te prennent au sérieux. Qu’ils te traitent bien. Avoir une vie sociale. C’est important. » (page 182)

Toutes ces questions sont survolées en marge de l’intrigue, et j’aurais aimé en lire plus, par exemple à la place de la rencontre assommante entre Rick, sa mère et le dirigeant d’une université : pourquoi ces échanges sans intérêt sur le passé amoureux des deux adultes, qui ne mènent nulle part ?

Extrait  

« Monsieur Capaldi pensait qu’il n’y avait rien chez Josie qu’on ne puisse continuer. Il a dit à la mère qu’il avait cherché et cherché sans rien trouver de particulier. Mais je suis convaincue maintenant qu’il cherchait au mauvais endroit. Il y avait bien quelque chose de très spécial, mais pas chez Josie. C’était dans le cœur de ceux qui l’aimaient. » (page 418)

Pour aller plus loin

Envie d’autres lectures vous plaçant dans la tête d’une intelligence artificielle ? Voici quelques idées : 

12 Comments

  1. Claude

    Félicitations pour cette analyse pointue.
    Merci.

  2. Geneviève Marcaggi

    Félicitations pour cette analyse si complète,j avais aimé le livre mais vous m avez aidé dans la compréhension de certains points que je n avais pas bien saisis.Merci donc.

  3. AS BIHR

    Merci pour votre analyse. Je suis moi aussi un peu frustrée du manque de certaines explications et vous m’avez un peu servi « d’épilogue ».

    • Curiosités Littéraires

      Merci pour votre retour ! Je ne suis donc pas la seule à avoir terminé cette lecture un peu frustrée 🙂

  4. Marie

    C’était super intéressant merci !

  5. Delbez

    Bonsoir, oui merci pour cette analyse et ces explications. J’ai lu ce roman sans appétit et l’ai fermé sans regret et je suis heureuse de lire que d’autres comme vous parviennent à mettre des mots sur mon ressenti.
    Je suis donc rassasiée désormais, si ce n’est sur l’analyse, le pourquoi de cette machine à pollution que Klara, aidée par « le père « , croit naïvement avoir détruit avec un de ses propres composants avant de se rendre compte que ladite machine est partout dupliquée.
    Peut-être avez-vous une opinion là-dessus ? Je serais curieuse de vous lire. Bonne continuation ! Charlotte

    • Curiosités Littéraires

      Merci beaucoup pour votre commentaire ! Ces « Cootings Machines » m’ont également laissée perplexe. L’auteur insiste beaucoup dessus… Je suppose qu’elles montrent en arrière-plan que les progrès technologiques ne se sont pas faits sans conséquences sur l’environnement, puisqu’elles polluent visiblement beaucoup. Klara les perçoit d’emblée comme un ennemi de son Soleil (= de la Nature ?) et se lance dans une sorte de mission de sabotage, ce qui est ironique puisque c’est une machine accusant une autre machine. Est-ce qu’il faut le voir comme un message écologique en sous-texte ? Ça me paraît assez vague. J’ai l’impression que ce passage illustre simplement le regard naïf et binaire de Klara, qui identifie une seule et unique cause du mal et décide de la détruire, quitte à sacrifier une partie de ses « composants ». Je n’ai pas non plus compris pourquoi le père accepte de l’aider dans sa mission manifestement farfelue. Peut-être voulait-il se débarrasser d’elle, puisqu’il n’apprécie pas le plan de la mère de l’utiliser pour remplacer Josie ? Si d’autres lecteurs ont des interprétations à proposer, je suis preneuse !

      • Ssr

        Merci beaucoup pour cette analyse qui a éclairé ma lecture
        Bonne continuation
        Sandrine

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